La nourriture coréenne

mercredi, janvier 01, 2014

구절판 - GujeolpanOn connaît encore mal la vraie cuisine coréenne. La gastronomie coréenne présente cependant une originalité, une variété et des saveurs qui mériteraient d’être présentées aux gourmets du monde entier. Dans cette perspective, nous allons vous révéler les particularités de cette cuisine. Deux points essentiels caractérisent la gastronomie coréenne:
La culture culinaire de la Corée s’est formée au fil de sa longue histoire et à travers les croyances et superstitions qui se sont transmises de génération à génération. La cuisine coréenne est saine et naturelle, certains plats ayant des vertus fortifiantes ou médicinales, répondant au principe du yaksikdongwon / 약식동원 (藥食同源), théorie suivant laquelle la nourriture et la médecine seraient de même origine.
De même que la Corée reste encore aujourd’hui un pays méconnu, sans doute parce que trop longtemps écrasé politiquement et économiquement par ses voisins immédiats, la Chine et le Japon, peu de gens connaissent sa vraie cuisine. La gastronomie coréenne présente cependant une originalité, une variété et des saveurs qui mériteraient d’être présentées aux gourmets du monde entier.

Une esthétique des couleurs et de l’ordonnance.

_7Basés sur la théorie du eumyangohaeng / 음양오행 (陰陽五行說) ou principe philosophique des cinq éléments naturels créés par le Yin (陰) et le Yang (陽), soit le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau, les ingrédients et les garnitures utilisés dans les plats se répartissent généralement en cinq couleurs, le blanc, le jaune, le rouge, le bleu et le noir, dont deux omniprésentes qui représentent des composantes essentielles et indispensables de la cuisine coréenne.
Il faut préciser ici que le repas coréen traditionnel de base se compose en principe d’un bol de riz et d’un bol de soupe individuels auxquels viennent s’ajouter des plats d’accompagnement divers que l’on partage avec les autres convives, tous les plats étant généralement servis en même temps sur la table, coutume alimentaire donc différente de ce que l’on connaît en France.
Cette spécificité fournit un excellent exemple de relativisme culturel, si l’on considère que, contrairement à ce que la tradition du repas français pourrait laisser penser, la coutume de servir les plats en séquence ne trouve pas ses origines en France mais en Russie: certains nobles français ayant remarqué puis imité la manière d’organiser les repas du prince, ambassadeur de Russie en France, chez qui les plats étaient présentés en séquence avec des portions identiques pour chacun. En France, avant l’introduction et la diffusion de cette coutume, tous les plats étaient servis en même temps à table, des entrées à la pièce montée.

La blancheur du riz.

taetongbapLe riz (bap / 밥), généralement cuit à la vapeur, est l’aliment de base de la cuisine coréenne et il en existe différentes sortes mais le huinbap / 흰밥 (riz nature blanc) est celui qui orne habituellement la plupart des tables de repas en Corée.
Chacun ayant un bol de riz blanc devant soi, la couleur blanche domine donc nettement les teintes des autres aliments.
Il existe cependant différentes autres sortes de baps, préparés en ajoutant d’autres ingrédients au riz blanc, comme le japgokbap / 잡곡밥 (riz à l’orge, au millet et aux haricots), le byeolmibap / 별미밥 (riz aux légumes, aux fruits de mer et à la viande) et le bibimbap / 비빔밥(riz mélangé aux légumes et à la viande de boeuf) dont la blancheur peut avoir été partiellement atténuée.
Cette dominance du blanc possède en fait une signification traditionnelle et religieuse, les Coréens ayant à l’origine préparé le riz blanc afin d’exprimer leur respect et leur dévotion pour l’univers. Le riz blanc ornait ainsi toujours les tables de rites et de sacrifices.

Le rouge du piment.

pimentsPlat d’accompagnement de base typique et représentatif de la gastronomie coréenne, le kimchi (김치) est un plat de choux chinois ou de radis blanc qui demande une longue préparation.
Parmi les divers ingrédients qui entrent dans la composition de son assaisonnement, la poudre de piment rouge est sans doute le plus important car c’est elle qui donne au kimchi son goût épicé si particulier. Présent sur toutes les tables de repas coréennes, de la même manière que le riz blanc, sa couleur rouge qui provient donc de l’utilisation intensive du piment vient agrémenter le blanc du huinbap.
Les tables coréennes sont ainsi essentiellement et inévitablement teintées de blanc et de rouge, couleurs de la nourriture de base servie en Corée, même si les cuisiniers et ménagères s’efforcent de respecter les principes du eumyangohaeng, en utilisant les trois autres couleurs, afin d’obtenir une plus grande harmonie dans l’aspect donné à leurs recettes.
Certaines spécialités permettent cependant une appréciation simultanée d’aliments présentés en cinq couleurs, notamment le bibimbap / 비빔밥, des ingrédients divers coupés en petits morceaux venant se mélanger au riz blanc et le gujeolpan / 구절판, galettes que l’on fait soi-même à table en fourrant des ingrédients divers, également coupés en petits morceaux, dans de fines enveloppes préparées à base de pâte de farine.

Une cuisine du terroir.

yangnyeomg-samgyeopLa culture culinaire coréenne traditionnelle se base sur la préparation de produits alimentaires saisonniers cultivés comme les céréales, les haricots, les légumes et les fruits de mer et d’herbes ou racines sauvages. Il s’agit donc d’une cuisine naturelle très proche de la terre.
Il faut noter que la Corée étant un pays aux hivers très rudes, il était nécessaire de conserver certaines denrées pendant plusieurs mois, d’où l’importance de la cuisine fermentée, dont la préparation repose sur la qualité des assaisonnements traditionnels qui permettent également de rehausser le goût et l’arôme des aliments. Cette tradition des assaisonnements en Corée peut être comparée à la culture des sauces de la gastronomie française.
De même qu’un plat français est souvent apprécié en fonction de la qualité de la sauce qui l’accompagne, la saveur de la nourriture coréenne dépend beaucoup du choix et du dosage des assaisonnements.
Les assaisonnements coréens sont appelés yangnyeom / 양념, que l’on transcrit yak-nyeomen en chinois, ce qui signifie littéralement “Pensez que ce sera un remède.” On retrouve ici la tradition philosophique orientale et un des principes de la gastronomie coréenne, le yaksikdongwon / 약식동원 (藥食同源), suivant lequel la nourriture et la médecine seraient de même origine.

L’importance de la fermentation.

OLYMPUS DIGITAL CAMERALes plats principaux et les banchans / 반찬 (plats d’accompagnement) ont été, dès l’origine, pour la plupart conservés et fermentés, notamment le kimchi, pratique que l’on peut comparer avec la préparation des fromages français, spécialité de longue tradition dont la fabrication demande beaucoup de patience et un grand savoir-faire. Plat d’accompagnement de base de la cuisine coréenne, le kimchi est présent sur toutes les tables de repas et on en trouve une grande variété, les plus connues et les plus consommées étant le baechu-kimchi / 배추김치, préparé à partir de choux chinois et le kkakdugi / 깍두기, fait avec des radis blancs coupés en cube.
Spécialité typiquement coréenne, l’utilisation de poudre de piment lui donne son goût épicé si particulier et sa couleur rouge. Consommé essentiellement en Corée et par les Coréens, il trouve de plus en plus d’amateurs dans le monde, d’autant plus que ses vertus diététiques ont été reconnues par son inscription au Codex Alimentarius en 2001.1 Certaines variétes trouvent leur origine dans des légendes du folklore coréen, notamment le chonggak-kimchi / 종각 김치, kimchi préparé avec de jeunes radis saumurés avec leurs feuilles. Le nom chonggak-kimchi proviendrait du nom des jeunes radis, chonggak-mu / 종각무, dont l’aspect rappelait la chevelure des jeunes hommes célibataires (chonggaks) des époques anciennes.

Des saveurs liées à des habitus sociaux.

Toujours d’après la théorie du eumyangohaeng, on retrouve cinq saveurs dans les mets coréens, une saveur épicée venant s’ajouter aux saveurs salée, sucrée, acide et amère de la cuisine occidentale. Certains plats coréens peuvent agréablement flatter les palais, d’autres peuvent les surprendre, voire les agresser. On peut voir dans cette opposition un reflet du caractère et de l’attitude des Coréens, connus à la fois pour leur amabilité et leur franc-parler.

Des racines ancestrales.

samgyetangLa culture culinaire de la Corée s’est formée au fil de sa longue histoire et à travers les croyances et superstitions qui se sont transmises de génération à génération. Cette tradition est encore bien présente aujourd’hui, comme en témoigne par exemple le fait que les restaurants de samgyetang / 삼계탕 sont très recherchés en été. Outre les spécialités consommées pour leurs vertus fortifiantes ou médicinales, certains plats sont préparés en famille à l’occasion des principales fêtes traditionnelles afin de se souhaiter mutuellement bonheur et prospérité.

Le yaksikdongwon (藥食同源), théorie suivant laquelle la nourriture et la médecine seraient de même origine est un autre principe philosophique que l’on retrouve dans de nombreuses recettes de la cuisine coréenne et celle-ci possède donc des vertus diététiques certaines, caractéristique qui devrait intéresser de nombreux gourmets aujourd’hui.
Saine et naturelle, la cuisine coréenne, appelée en coréen han-sik / 한식 (韓食) mériterait donc d’être mieux connue. À cette fin, les points communs qu’elle présente avec la tradition culinaire française pourraient être utilisés pour sa diffusion dans le monde, de même que sa présentation en français, langue de la gastronomie, pourrait aider à attirer l’attention des professionnels et des gastronomes tout en favorisant une meilleure compréhension. Le fait que le principe ancestral de la fermentation est commun à la préparation du fromage français et du kimchi coréen pourrait notamment être mis en avant pour montrer que les cultures culinaires des deux pays reposent sur un savoir-faire entouré d’une grande patience et transmis de génération à génération.
Il serait également utile de préciser que la cuisine coréenne est très variée, chaque recette trouvant son origine dans une région ou une ville distincte de la péninsule coréenne. Ainsi, de même que les crêpes et la bouillabaisse sont des spécialités de Bretagne et de Marseille, le bibimbap / 비빔밥 et le pajeon / 파전 (galette aux ciboules) des villes de Jeonju et de Busan sont réputés en Corée.
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Comme l’écrit Levi-Strauss : « La cuisine d’une société est un langage dans lequel elle traduit inconsciemment sa structure ».

Références bibliographiques.

Hong, Li, 2011. Gastronomie coréenne : la tradition culinaire et la langue françaises peuvent-elles servir de vecteurs de diffusion ? in Synergies Corée n° 2.
Hwang, H.-S. 2000. Cuisine coréenne traditionnelle. Séoul : Kyomun.
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Yoon, S.-S. 2002. La cuisine coréenne. Séoul : Soohak.
Yi Yang-Cha, et Armin E. Möller, 1999. Koreanisch vegetarisch: Die kaum bekannte, fettarme, phantasievolle und küchenfreundliche Art asiatisch zu kochen.
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Jeong, H. 2011. Story of alcoholic drink by Professor Jeong Hun Bae [정헌배 교수의 술나라 이야기]. Seoul: Yedam.

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